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LITTÉRATURE
: 99 Francs, de Frédéric BEIGBEDER |
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Frédéric
BEIBEDER
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99
francs
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Quatrième de
couverture :
Octave est le maître
du monde. Octave exerce en effet la profession
lucrative de rédacteur publicitaire
: il décide aujourd'hui ce que
vous allez vouloir demain. Octave est
un mort-vivant, couvert d'argent, de filles
et de cocaïne. Un jour, il se rebelle.
Le doué Octave déjante.
La cliente idéale ? " Une
mongolienne de moins de cinquante ans.
" Les nababs de la publicité
? " Ils mènent la troisième
guerre mondiale. " De l'île
de la Jatte où négocient
les patrons d'agence à Miami où
l'on tourne un spot sous amphétamines,
d'un séminaire en Afrique à
Saint-Germain-des-Prés, de l'enfer
du sexe à la pureté perdue,
Frédéric Beigbeder, entre
fiction et pamphlet, écrit la confession
d'un enfant du millénaire. En riant
il dénonce le mercantilisme universel.
En quelque sorte, un livre moral. Pour
99 francs, seulement.
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"Ce qu'on
est incapable de changer, il faut au moins
le décrire" Rainer Werner
Fassbinder
"Tour s'achète : l'amour,
l'art, la planète Terre, vous,
moi. J'écris ce livre pour me faire
virer. Si je démissionnais, je
ne toucherais pas d'indemnités.
Il me faut scier la branche sur laquelle
mon confoert est assis. Ma liberté
s'appelle assurance chômage. Je
préfère être licencié
par une entreprise que par la vie"
"Tu ne te plains pas : si tu ne reniflais
pas de la poudre, tu serais obligé
de faire du saut à l'élastique
en combinaison vert fluo, ou du roller-blade
avec des grenouillères grotesques,
ou du karaoké dans un restaurant
chinois, ou du racisme avec des skinheads,
ou de la gym avec des vieux beaux, ou
du Loto sportif tout seul, ou de la psychanalyse
avec un divan, ou du poker avec des menteurs,
ou de l'internet, ou du sado-masochisme,
ou un régime amincissant, ou du
whisky d'appartement, ou du jardinage
de jardin, ou du ski de fond, ou de la
philatélie urbaine, ou du boudhisme
bourgeois, ou du multimédia de
poche, ou du bricolage de groupe, ou des
partouzes anales. Tout le monde a besoin
d'activités pour soi-disant "déstresser"
mais tu vois bien qu'en réalité
les gens ne font que se débattre".
"Je te suis fidèle : tu es
la seule personne que j'ai envie de tromper"
"Et c'est bizarre, quand elle est
sortie en sanglotant, tu te rendais bien
compte que c'était tout de même
toi qui t'enfuyais"
"La myopie est ton dernier luxe.
Tout est merveilleusement flou comme dans
un vidéo-clip.
Tout est surface.
Tiens-toi bien."
"Tu consultes chaque matin quatre
messageries : le répondeur téléphonique
de ton domicile, celui de ton bureau,
la boîte vocale de ton téléphone
portable, et les e-mails de ton iMac.
Seule ta boîte aux lettres reste
désespérément vide.
Tu ne reçois plus de lettres d'amour.
Tu ne recevras plus jamais de feuilles
de papier couvertes d'une calligraphie
timide et imprégnées de
larmes et parfumées par amour et
pliées avec émotion avec
l'adresse soigneusement recopiée
sur l'enveloppe, comportant une apostrophe
au facteur : "Ne te perds pas en
route, ô facteur, porte cette missive
importante à son destinataire tant
désiré
" Les gens
se tuent parce qu'ils ne reçoivent
plus que des publicités par la
poste"
"Tu ne veux pas coucher avec elle,
juste la frôler, subir son attraction
extra-terrestre. Les amants sont des aimants.
Tu refuses de mettre une capote dans Tamara.
C'est pourquoi vous ne faites jamais l'amour.
Au début, elle ne comprenait pas
ce client qui se contentait d'enrouler
sa langue autour de la sienne. Et puis
elle y a pris goût, aux dents qui
mordillent la bouche, à la pointe
nerveuse de salive parfumée de
vodka, et maintenant c'est elle qui enfonce
sa langue dans ta bouche douce, et la
pelle devient profonde, pénétration
buccale où ta langue devient bite,
lèche ses joues, son cou, ses yeux,
saveur, gémissement, souffle, désir
titillé. Stop. Tu t'arrêtes
pour lui sourire à un centimètre
du visage, savoir attendre, déguster,
ralentir et recommencer. Il faut dire
les choses telles qu'elles sont : un baiser
est parfois plus beau que baiser".
"Tu notes tout ce qu'ils disent parce
que c'est trop vrai pour être beau"
"Curieuse impression : quand j'étais
petite, l'an 2000 c'était de la
science fiction. J'ai dû grandir
parce qu'à présent, c'est
l'an dernier"
"Les filles disent souvent oui trop
tard, quand les garçons ont renoncé,
ou trop tôt, quand ils ne leur ont
rien demandé"
"(Touristes) Ils ne verraient rien
de vrai. Ils se déplaceraient uniquement
pour vérifier que le paysage ressemblait
bien à la brochure fournie par
le Tour Opérator. Le tourisme transforme
le voyageur en contrôleur, la découverte
en vérification, l'étonnement
en repérage, le Routard en Saint
Thomas. Mais bon, Octave se faisait tout
de même bouffer par les moustiques
; une part d'aventure restait donc possible
si l'on avait oublié son spray
à la citronnelle dans sa chambre".
"Octave était parti à
reculons dans ce voyage obligatoire ;
or voici qu'il frôlait le sublime,
touchait l'éternel, caressait la
vie, dépassait le ridicule, comprenait
la simplicité"..
"L'amour n'a rien à voir avec
le cur, cet organe répugnant,
sorte de pompe gorgé de sang. L'amour
serre d'abord les poumons. On ne devrait
pas dire "j'ai le cur brisé"
mais "j'ai les poumons étouffés".
Le poumon est l'organe le plus romantique
: tous les amants attrapent la tuberculose
; ce n'est pas un hasard si c'est de cette
maladie que Tchekhov, Kafka, D.H. Lawrence,
Frédéric Chopin, George
Orwell et sainte Thérèse
de Lisieux sont morts ; quant à
Camus, Moravia, Boudard, Marie Bashkirtseff
et Katherine Mansfield, auraient-ils écrit
les mêmes livres sans cette infection
? En outre, que l'on sache, la Dame aux
Camélias n'est pas décédée
d'un infarctus du myocarde ; cette punition
est réservée aux arrivistes
stressés, pas aux sentiments éperdus.
[
]. Les poumons attendent la tuberculose
pour sentir qu'ils existent. Je suis votre
professeur d'éducation phtisique.
Il faut avoir un nénuphar dans
la cage thoracique, comme Chloé
dans l'Ecume des jours ou Mme Chauchat
dans La Montagne Magique[
]. Souffrir
comme au début, d'une embellie
pulmonaire"
"Nous dévisageons les top-models
mais préférerions les défigurer"
"Et nous répétions
sans arrêt notre crédo gramsciste
: "Pour détouner un avion,
il faut commencer par monter dedans"
"Quand elle tournait la tête
les mecs avaient la tête qui tournait.
Elle avait un profil chantourné
(découpe du bois ou de l'acier
sur des courbes) (elle n'a pas les cheveux
blonds mais oblongs ; le profil tourné
mais chantourné ; les yeux dorés
mais mordorés : tout s'allonge
en la regardant, même les mots pour
la qualifier)"
"En quoi consiste le bonheur ? C'est
du sable blanc, du ciel bleu, de l'eau
salée. "L'Eau, l'Air, la Vie",
comme disait Perrier. Le bonheur c'est
d'entrer dans une affiche Perrier, de
devenir une publicité pour Pacific,
avec la fameuse trace du pied nu sorti
de la mer qui s'évapore instantanément
sur le ponton brûlant. Marc et Sophie
fabriquaient des pubs ; aujourd'hui Patrick
et Caroline en sont devenus une. Ils ont
choisi de finir leur vie dans une de leurs
créations, de ressembler à
un stéréotype bronzé,
à une couverture de Voici, à
une campagne Maigrelette, avec la véranda
de tech sur fond exotique, une annonce
Club Med avec sa jolie typo et un liseré
blanc tout autour"
"_ Je suis parti parce que j'ai tout
fait.
_ Qu'est-ce que tu dis ?
_ Je suis parti parce que j'étouffais"
" Je bois ta bouche, je lèche
tes dents, je suce ta langue. J'aspire
tes soupirs et j'avale tes cris"
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Dans " 99 francs
", l'un des romans français
les plus percutants de la rentrée,
Frédéric Beigbeder se livre
à un vigoureux jeu de massacre.
En ligne de mire: la publicité,
sa vacuité, sa fausse inventivité,
sa vision totalitaire du monde. Ancien
créatif dans de grandes agences
parisiennes, l'auteur sait visiblement
de quoi il parle. Frédéric
Beigbeder tire à vue sur tout ce
qui bouge (qui gesticule plutôt):
cadres très supérieurs de
multinationales de l'agro- alimentaire
(la marque s'appelle Madone), réalisateurs
gonflés d'orgueil (dont l'inénarrable
Enrique Baducul, roi du flou et du trip-hop),
fils de pub qui s'usent dans le cirque
du fric. Son (anti) héros a un
prénom de gentil garçon.
Octave, la trentaine, semble pourtant
revenu de tout. Acro à la coke,
il n'assure plus dans aucun domaine. Ses
slogans et ses idées publicitaires
sont faiblards. Son grand amour l'a largué
(elle était enceinte, il refusait
l'idée d'être père).
L'argent coule à flot dans un océan
de vide. D'abord insupportable (du genre
à vomir sur votre moquette), Octave
finit par devenir attachant. Son "
ultra-moderne solitude " (pour citer
Souchon, que Beigbeder semble beaucoup
aimer) devient celle de toute une génération,
lasse de téter au biberon de la
réussite en ne carburant qu'au
mépris. Au milieu du désespoir
général, Frédéric
Beigbeder multiplie les scènes
drolatiques et les piques cinglantes.
Pour l'humour noir, le bonhomme a du ressort.
Les limites de " 99 francs "
tiennent à la redite, à
cette volonté forcenée de
" cracher dans la soupe ", de
jouer les Zorro de la dénonciation.
Dans le roman, Octave s'efforce de se
faire virer. Il devra filer très
loin (à Miami) pour y parvenir.
Dans la réalité, Frédéric
Beigbeder a obtenu le même résultat,
sans avoir besoin de tuer père
et mère. Juste avant la parution
de " 99 francs ", son agence
de pub lui a demandé d'aller faire
le zouave ailleurs.
Jean-Marc LE SCOUARNEC.
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1.
Tout est provisoire : l'amour, l'art,
la planète Terre, vous, moi. La
mort est tellement inéluctable
qu'elle prend tout le monde par surprise.
Comment savoir si cette journée
n'est pas la dernière ? On
croit qu'on a le temps. Et puis, tout
d'un coup, ça y est, on se noie,
fin du temps réglementaire. La
mort est le seul rendez-vous qui ne soit
pas noté dans votre organizer.
Tout s'achète : l'amour, l'art,
la planète Terre, vous, moi. J'écris
ce livre pour me faire virer. Si je démissionnais,
je ne toucherais pas d'indemnités.
Il me faut scier la branche sur laquelle
mon confort est assis. Ma liberté
s'appelle assurance chômage. Je
préfère être licencié
par une entreprise que par la vie. CAR
J'AI PEUR. Autour de moi, les collègues
tombent comme des mouches : hydrocution
dans la piscine, overdose de cocaïne
maquillée en infarctus du myocarde,
crash de jet privé, cabrioles en
cabriolet. Or cette nuit, j'ai rêvé
que je me noyais. Je me suis vu couler,
caresser les raies manta, les poumons
remplis d'eau. Au loin, sur la plage,
une jolie dame m'appelait. Je ne pouvais
lui répondre car j'avais la bouche
pleine d'eau salée. Je me noyais
mais ne criais pas au secours. Et tout
le monde faisait pareil dans la mer. Tous
les nageurs coulaient sans appeler à
l'aide. Je crois qu'il est temps que je
quitte tout parce que je ne sais plus
flotter.
Tout est provisoire et tout s'achète.
L'homme est un produit comme les autres,
avec une date limite de vente. Voilà
pourquoi j'ai décidé de
prendre ma retraite à 33 ans. C'est,
paraît-il, l'âge idéal
pour ressuscité
2.
Je me prénomme Octave et m'habille
chez APC. Je suis publicitaire : eh oui,
je pollue l'univers. Je suis le type qui
vous vend de la merde. Qui vous fait rêver
de ces choses que vous n'aurez jamais.
Ciel toujours bleu, nanas jamais moches,
un bonheur parfait, retouché sur
PhotoShop. Images léchées,
musiques dans le vent. Quand, à
force d'économies, vous réussirez
à vous payer la bagnole de vos
rêves, celle que j'ai shootée
dans ma dernière campagne, je l'aurai
déjà démodée.
J'ai trois vogues d'avance, et m'arrange
toujours pour que vous soyez frustré.
Le Glamour, c'est le pays où l'on
n'arrive jamais. Je vous drogue à
la nouveauté, et l'avantage avec
la nouveauté, c'est qu'elle ne
reste jamais neuve. Il y a toujours une
nouvelle nouveauté pour faire vieillir
la précédente. Vous faire
baver, tel est mon sacerdoce. Dans ma
profession, personne ne souhaite votre
bonheur, parce que les gens heureux ne
consomment pas.
"Les cadres
montent vers leur calvaire
Dans des ascenseurs de nickel
Je vois passer les secrétaires
Qui se remettent du rimmel"
Michel Houellebecq
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